Observatoire de l’emploi des entrepreneurs : 60852 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi en 2024
L’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs, réalisé par l’association GSC et la société Altares, révèle que 60 852 chefs d’entreprise se sont retrouvés en situation de « chômage » en 2024, soit une hausse de 18 % sur un an. Un niveau record depuis la création de ce baromètre, en 2015.
« Cette situation s’inscrit dans un contexte économique particulièrement tendu, avec une inflation certes contenue mais une faible croissance qui fragilise les entreprises. Souvent confrontés à des difficultés de rentabilité, les entrepreneurs peinent à maintenir leur activité. Le début de l’année 2025 sera crucial pour beaucoup. Les mesures fiscales votées, l’instabilité politique et les tensions internationales plongent les chefs d’entreprise dans un climat de forte incertitude. Face à ce contexte économique dégradé, il est essentiel de sensibiliser les entrepreneurs à la nécessité de maitriser les risques en les informant sur les filets de sécurité financiers à leur disposition », commente Hervé Kermarrec, président de l’association GSC.
Pour Thierry Millon, Directeur des études Altares : « Les défaillances d’entreprises enchaînent les records depuis des mois et les petites entreprises paient un lourd tribu. Les liquidations judiciaires directes ou post redressements judiciaires sont prédominantes supprimant l’emploi de plus de 60 000 dirigeants en 2024 et probablement davantage encore en 2025. Un nombre particulièrement élevé qui tend à militer pour une gestion très proactive des risques qu’ils soient de nature professionnelle ou personnelle. Un défi administratif parfois, ou financier souvent, mais un impératif à tout âge, même fort d’une solide expérience. En illustration, la perte d’emploi de dirigeants de plus de 60 ans accélère fortement (+33%) ; un constat qui résonne à l’heure des discussions sur l’employabilité des seniors ».
Les petites entreprises continuent de connaître la crise
Près des trois quarts des entrepreneurs en situation de perte d’emploi sont à la tête d’une TPE de moins de 3 salariés. La plus forte hausse concerne les dirigeants de TPE de 6 à 9 salariés, avec + 30,2 % en un an, soit 3 347 entrepreneurs touchés. À l’inverse, les dirigeants de structures de plus de 50 salariés enregistrent un recul de – 19,8 %.
Par ailleurs, près de 4 entrepreneurs sur 10 (24 390) étaient à la tête d’une structure affichant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros, contre 369 générant plus de 5 millions d’euros de CA.
Une forte progression du nombre de perte d’emploi est également observée chez les artisans-commerçants (+ 18,3 %) et professions libérales (+ 16,6 %).
À noter : près d’un tiers des entrepreneurs impactés dirigeaient une entreprise « mature », âgée de plus de 10 ans. Preuve que celles et ceux à la tête de structures inscrites dans la durée ne sont également pas à l’abri.
Les secteurs de la construction et des transports particulièrement exposés
Les fragilités du secteur de la construction s’accentuent en 2024 en raison de la hausse des prix des matériaux : 14 928 femmes et hommes ont perdu leur emploi (+ 23,7 %), en particulier dans le bâtiment. Les agents immobiliers, qui ont subi de plein fouet la hausse des taux d’intérêts, sont également touchés (+ 34,7 %).
Les transports et la logistique, qu’ils concernent le fret ou les voyageurs, enregistrent une hausse des pertes d’emploi de + 29,3 %, bien au-dessus de la moyenne nationale.
Le commerce résiste, notamment dans l’alimentaire (- 5,4 %). En raison de la décélération de l’inflation, la hausse du nombre de pertes d’emploi est modérée dans l’habillement de détail (+ 6,7 %) ou de gros (+ 1,8 %).
Les entrepreneurs du secteur de la sécurité sont également impactés, avec une hausse très significative de + 112,8 % (845 femmes et hommes).
Alors que le secteur de l’hébergement, restauration et débit de boissons était en grande souffrance, il enregistre en 2024 l’une de ses plus faibles hausses (+ 6,6 %) depuis la crise covid.
Après une année 2023 difficile, l’industrie commence à montrer des signes de reprise, avec une légère diminution des pertes d’emplois (- 0,2 %). L’agroalimentaire bénéficie d’une amélioration, grâce à une conjoncture plus favorable pour les activités liées aux produits de boulangerie (- 8,3 %). D’autres activités industrielles, comme l’automobile (- 14,3 %) et la production de machines et équipements (- 26,3 %), montrent également des signes encourageants.
Les chefs d’entreprise âgés de plus de 60 ans exposés
Le « chômage » progresse fortement chez les plus de 60 ans (+ 33,2 % sur un an ; 8 081 entrepreneurs touchés). Près d’un tiers d’entre eux étaient à la tête d’une entreprise du bâtiment (notamment dans l’immobilier) ou de la restauration. Ce constat soulève également la question des difficultés de transmission d’entreprise pour les entrepreneurs « seniors ».
Les moins de 26 ans résistent avec une hausse modérée de 3 % (1 277). La tranche des 41-50 ans demeure la plus touchée (16 328 ; + 17,1 %), représentant plus d’un quart des pertes d’emploi.
L’âge médian des entrepreneurs ayant perdu leur emploi en 2024 s’établit à 46,3 ans, en légère hausse par rapport à 2023 (46 ans).
Les entrepreneurs en difficulté dans l’ensemble du territoire
Près d’un quart des pertes d’emploi se concentre en région Île-de-France avec 14 227 chefs d’entreprise sinistrés, soit une hausse significative de + 25,2 %.
La Normandie enregistre la plus forte augmentation avec + 27,9 % (2 534). Dans les Pays de la Loire, 2 568 pertes d’emploi ont été recensées soit + 26,8 % en un an.
Deux autres régions affichent une progression supérieure à la moyenne nationale : Région Sud/Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 19,5 % ; 6 243) et Bretagne (+ 19,1 % ; 2 304).
La Corse et le Centre-Val de Loire sont les deux régions à demeurer sous le seuil des 10 %, avec respectivement 366 (+ 8,9 %) et 1 994 (+ 9,8 %) chefs d’entreprise en situation de « chômage ».
Méthodologie
Les données sont issues de l’analyse des entreprises, hors sociétés civiles et associations, placées directement, par conversion ou par résolution du plan en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Ne sont pas intégrées les procédures de fermeture ou dissolution à l’amiable de même que les révocations des mandataires sociaux.